Le projet de loi 101 : une menace directe à la sécurité des travailleurs et travailleuses, à l’autonomie syndicale et aux droits des femmes

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Par Jean-François Pelletier, président, section locale 1999 du syndicat des Teamsters

Le gouvernement du Québec a récemment déposé le projet de loi 101, intitulé « Loi visant l’amélioration de certaines lois du travail. On parle d’améliorations, mais en ce qui me concerne, on devrait surtout parler d’inquiétudes, d’injustices et d’incongruités. À titre de président de la section locale 1999 du syndicat des Teamsters, avec ses quelques 30 000 membres issus de multiples secteurs, dont plusieurs particulièrement à risque en matière de santé et sécurité, je juge essentiel de prendre position contre ce projet de loi.

En premier lieu, ce projet introduit une obligation généralisée aux syndicats de fournir des états financiers vérifiés externes chaque année à leurs membres. Vu de l’extérieur, ça peut sembler tout à fait raisonnable.

Toutefois, cette mesure impose des obligations légales aux syndicats, ce qui pourrait être particulièrement lourd pour les petites unités syndicales, mais n’exige rien des entreprises. Autrement dit, le gouvernement demande une transparence totale des organisations syndicales tout en exemptant complètement les employeurs et leurs associations d’obligations similaires. Pourquoi une telle asymétrie ? Cette approche déséquilibrée laisse entendre que seuls les syndicats doivent prouver leur honnêteté et leur rigueur financière, ce qui est injuste et arbitraire.

Chez Teamsters, nous sommes déjà régulièrement audités par des auditeurs et auditrices agréés de la Fraternité internationale des Teamsters, et nos membres ont libre accès à nos états financiers en toute transparence. Cette structure démocratique solide assure déjà la responsabilité financière, sans avoir besoin d’une ingérence gouvernementale supplémentaire. Ce projet de loi est une atteinte directe à nos structures démocratiques internes, nous rendant plus vulnérables face aux grandes entreprises.

Ensuite, le projet de loi 101 propose également de restreindre sérieusement le pouvoir d’action des représentants et représentantes en santé et sécurité (RSS). La sécurité des travailleurs et des travailleuses dépend grandement de ces personnes compétentes qui interviennent directement sur les lieux de travail, particulièrement dans des secteurs à haut risque tels que le transport, la construction, ou encore l’industrie manufacturière, industries où une grande partie de nos membres exercent leurs métiers.

Le gouvernement envisage pourtant de limiter drastiquement le rôle des RSS, réduisant leur capacité à mener des enquêtes, à accompagner les inspecteurs ou encore à recommander des mesures préventives. En affaiblissant leur rôle, on met directement en péril la santé et la sécurité des travailleurs et travailleuses, rendant leur environnement de travail plus dangereux et moins prévisible.

En plus, le projet de loi exclut le personnel de la santé, des services sociaux et de l’éducation du règlement visant à mieux les protéger en matière de prévention. C’est insensé, puisque ça vient directement bafouer le droit des femmes, largement majoritaires dans ces domaines, à travailler dans un environnement sain et sécuritaire.

Pourtant, ce règlement a fait l’objet d’un consensus patronal-syndical il y a plusieurs mois et a même été adopté par la CNESST. Ces travailleuses auront donc un régime de santé et sécurité inférieur au reste de la population du Québec. Est-ce parce que la grande majorité de ce personnel est composée de femmes que le gouvernement reporte son adoption ? Cette décision est profondément inacceptable et discriminatoire.

En résumé, nous ne pouvons accepter que la sécurité de milliers de nos membres soit ainsi compromise sous prétexte de « simplifier la bureaucratie ». Chaque accident évité représente une victoire collective. C’est inacceptable de retirer aux syndicats les outils qui permettent, au final, de sauver des vies.

Pour le reste, le syndicat des Teamsters croit fermement à la transparence et à la responsabilité financière, et nous avons toujours respecté ces principes. Cependant, ces obligations doivent être justes, réciproques, et ne jamais servir les intérêts des entreprises en attaquant l’autonomie syndicale.

Au nom du Local 1999, j’appelle le gouvernement à revoir ce projet, à rétablir l’équilibre et à protéger concrètement les droits et la sécurité des travailleurs et travailleuses du Québec. La santé, la sécurité et la dignité des travailleurs et des travailleuses méritent mieux que des projets de loi de la sorte.